27 juin 2005
histoire psychiatrique
Mon frère Bruno, 55 ans, est malade depuis 1988. Il a brutalement réalisé l’échec de sa vie. Depuis, mon épouse, mon fils et moi-même sommes devenus au fil des années les boucs émissaires de sa grande souffrance. Ma mère de 83 ans, atteinte de la maladie d’Alzheimer, vit avec lui depuis toujours. La maladie de ma mère a considérablement agi sur le psychisme de Bruno et plus la situation de ma mère s’aggrave, plus celle de mon frère empire.
Ma famille ne peut plus s’occuper de notre mère car tout ce que nous faisons est l’objet de cris, d’invectives, de violences verbales, de flots d’injures.
Depuis sa sortie en 1997 de Paul Guiraud, mon frère est pris en charge dans la cadre de la sectorisation en CMP. Un lieu triste, dépourvu de vie, de luminosité humaine. L’état de Bruno n’a, hélas, cessé de s’aggraver. Nous avons en 7 ans sollicité des rendez-vous à son médecin, pour lui exposer la situation, lui demander de l’aide, des conseils, quelle attitude adopter. Silence de ce médecin à part deux rencontres de 15 minutes en 8 ans demandées par mon frère et 2 appels téléphoniques où il a été obligé de répondre devant la gravité des faits. Mais globalement, il a toujours refusé de nous parler au téléphone. Tout comme ce 10 août 2004, alors que mon frère en pleine crise me menaçait et s’est rué sur moi. J’ai été protégé par des personnes de l’immeuble. J’ai appelé son médecin à Paul Guiraud pour demander ce que je devais faire. Refus de me parler. En désespoir de cause, je me suis rendu l’après-midi au CMP pour demander de l’aide. J’ai été accueilli sans même un bonjour, sans aucun regard humain, ni attention. Mais j’ai pu rencontrer un infirmier qui m’a déclaré ne pouvoir rien faire. Ce même infirmier à qui l’on a confié mon frère et dont je parle plus loin.
En 8 ans, le CMP ne m’a apporté aucune aide, aucun conseil, aucun regard humain, aucune idée, aucune démarche à adopter à l’égard de mon frère malgré la détresse de ma famille. Ce n’est qu’en juin, lors de la commission de conciliation qui a eu lieu à Paul Guiraud et qui n’a, hélas, abouti à rien, que la directrice de l’hospitalisation, m’a fait rencontrer l’UNAFAM présente à la réunion en la personne de son délégué du Val de Marne. Quand j’ai fait remarquer ce jour là au Médecin directeur du CMP qu’en 7 ans, il aurait pu me conseiller cette association, il m’a répondu qu’il n’était pas là pour ça. Tout comme le médecin de mon frère qui n’a cessé de nous réitérer qu’il n’a pas à prendre en considération ce que lui disent les familles, ce qu’elles vivent… Ce serait interférer dans son traitement !!!
Il y a près de 6 ans, mon épouse à écrit au Médecin directeur du CMP, également chef du service 12 de Paul Guiraud pour s’inquiéter sur le peu d’évolution que l’on constatait chez mon frère et sur la relation patient-médecin. Il n’a jamais daigné lui répondre. Au bout de 2 mois, elle l’a finalement joint au téléphone pour s’entendre dire que tout ce qui était fait pour mon frère était parfait. Hélas, les crises n’ont cessé de se succéder. Bruno en est arrivé à croire qu'on l'empoisonne et que l'on veut le tuer.
J’ai demandé depuis 8 ans qu’un travail de fond soit fait, que l’on essaie de guider mon frère vers une psychothérapie. On me rétorque que l’on ne peut rien imposer à un malade…Avec un peu de finesse, on aurait pu obtenir de lui plein de choses. On peut le conseiller, le guider, construire un projet… Si cela avait été fait depuis 1997, on n’en serait peut-être pas là aujourd’hui. On l’a confié à un infirmier qui m’a déclaré ne pas avoir de compétences psychothérapiques alors que le Médecin directeur du CMP m’a affirmé le contraire…
Mon frère vit avec notre mère de 83 ans atteinte d’Alzheimer dans une relation fusionnelle angoissante que nous avons décrit dans le détail à son médecin. Aucune avancée de constatée et ma famille est épuisée. Nous ne pouvons plus aider notre mère dont les repères s’estompent chaque jour davantage et qui de plus est pratiquement aveugle. Mon frère perdu dans son délire rejette toute intervention de la famille et refuse la mise en maison de retraite de notre mère qui elle-même le refuse tout autant.
La police s’est déplacée à plusieurs reprises chez Bruno à la demande des habitants de l’immeuble excédés par ses hurlements et ses crises.
Malgré la situation d'urgence dans laquelle je me trouve, son médecin refuse de nous rencontrer et de nous répondre au téléphone quand nous sollicitons de l’aide. Nous ne nous sommes vus que le 18 novembre pour la seconde fois en 8 ans à la suite de la demande de mon frère mais rien n’a changé. Mes demandes réitérées d’entretien personnalisé ont toujours refusées.
En 8 ans, ma femme et moi avons écrit de nombreuses lettres. Dans ces courriers, nous expliquions l’état de Bruno, ses crises, ses défaillances, ses problèmes. Nous évoquions ce qui se passait et ce que Bruno cachait à son psychiâtre. C’était aussi un appel de notre part, une demande d’aide pour nous qui sommes désemparés et épuisés comme c’était aussi une aide que nous voulions apporter au médecin dans sa relation avec mon frère. Et avant tout contribuer à la guérison de ce dernier. Toutes nos lettres sont restées sans réponses. Pas le moindre signe ni accusé de réception.
Un jour de novembre 2003, je me suis présenté au CMP accompagné de mon frère en état de crise et de ma mère de 82 ans complètement paniquée et en perte de repères. Le médecin a refusé de nous recevoir : “je n’ai pas le temps” a-t’il dit en passant devant nous sans même daigner nous saluer, nous regarder, ni s’arrêter. Mais en prenant bien le temps et le soin d’allumer sa cigarette.
Mon frère rencontre ce médecin une fois par mois, à raison d’une vingtaine de minutes pour recevoir sa dose de médicaments. Pas le moindre suivi psychologique depuis 8 ans.
J'ai demandé en décembre 2003 un rendez-vous au Médecin directeur du CMP. Malgré le caractère urgent de la situation, il ne me l’a donné que pour le 9 mars 2004 soit près de 3 mois après. Le médecin de mon frère n’a pas daigné être présent.
De ce rendez-vous, il n’est rien sorti. Mis à part que depuis mars 2004, il semble que mon pendant un temps, mon frère soit vu une fois 20 minutes par quinzaine avant retour au mensuel. Pour recevoir sa dose de médicaments. Les crises ne s'arrêtent pas. Pour mémoire, entre décembre 2003 et février 2004, mon frère n'est pas allé à ses rendez-vous. C'était la période la plus dramatique et nous ne cessions alors d'alerter son médecin (lettres, appels téléphoniques) qui n'a jamais réagi.
J'ai écrit tout récemment au Médecin directeur du CMP en précisant que devant cette situation, j'envoyais copie de l'intégralité du courrier que nous lui avions adressé au Conseil de l'ordre des médecins. J'ai eu une réponse on ne peut plus rapide (8 jours) avec une fixation de rendez-vous à un mois (à ma demande).
Lors de ce rendez-vous, à l’accueil triste et inexistant du CMP, on nous a dit d’aller au premier étage sans autre précision. Le médecin de mon frère n’a pas daigné venir nous saluer, mon épouse, ma mère et moi. Pas un regard ni un minimum de considération. Mon frère hurlait dans l’indifférence générale. Ce rendez-vous n’a eu comme le précédent aucune suite.
L’entretien n’a généré aucune amélioration. Ni même de modification de traitement. Si ce n’est que mon frère voit de temps en temps un infirmier qui nous a dit qu’il n’était pas psychothérapeute et qu’il ne pouvait donc pas soigner mon frère sur le fond. Les médicaments et un infirmier au demeurant sympathique ne peuvent faire le travail de fond qui s’impose depuis 8 ans. On a la triste et désolante impression que l’on se moque de mon frère et encore plus de nous. Que l’on nous mène en bateau en se déchargeant sur un infirmier qui ne peut pas soigner mon frère. Ma famille est au bord de l’épuisement moral et physique et surtout lasse d’être si peu respectée par des personnes dont c’est le premier devoir. J’ai appelé le CMP de Boulogne plusieurs fois pour un conseil lors de crises de mon frère. On me répond d'appeler la police. Mais c’est mon frère et je ne le ferais qu’en cas d’actes gravissimes, de danger et encore.
Je voudrais simplement rappeler que la relation d’un médecin à son malade, c’est la relation d’une conscience à une confiance. Mon frère a une confiance aveugle en son médecin. Il est vrai qu’on ne lui impose rien et qu’aucun projet thérapeutique n’a vu le jour.
Un jour où j’avais besoin d’aide, après avoir joint le CMP et m’entendre dire qu’il n’y avait pas de médecin, le 27 mai 2004 à 16h55 j’ai appelé le Service 12 de Paul Guiraud pour un conseil face à une crise grave. Pas de réponse jusqu’à 17h30 où un standardiste m’a dit qu’il n’y avait plus personne. Alors j’ai demandé à parler à l’administration et enfin, à 17h45, une personne m’a recommandé d’appeler la directrice de l’hospitalisation pour solliciter la réunion d’une commission de conciliation au cours de laquelle j’ai fait la connaissance pour la première fois de l’UNAFAM. Cette commission n’a hélas rien donné. Accompagné de deux témoins qui savent ce que je vis, j’ai demandé que l’on change de médecin. Refus. Il est vrai que pour les médecins, ce serait reconnaître leur échec. J’ai alors demandé que l’on fasse tout pour convaincre mon frère qu’une maison de retraite pour ma mère serait protectrice de santé, de sécurité et de vie pour elle. Aujourd’hui rien n’a avancé. J’ai proposé une thérapie familiale au CMP qui puisse aider mon frère à retrouver ses repères. Pas de réponse.
Un jour, ma mère a été retrouvée à plusieurs reprises errant dans la rue et en état d’incontinence. Elle a même été hospitalisée en urgence par les pompiers. Les crises de mon frère ont alors redoublé d’intensité.
A cela, j’ajoute que le médecin de mon frère s’est permis de notifier à mon frère mon appartenance à l’UNAFAM et la tenue de la réunion de la commission de conciliation. Cela aurait du exiger un maximum de discrétion de sa part car elle devait savoir, le connaissant depuis 7 ans, que cela accentuerait ses crises de paranoia et de complots ainsi que les phénomènes de violence dont j’ai été victime. J’avais manifesté mon désir de participer à une thérapie familiale au CMP qui puisse aider Bruno à retrouver ses repères. Pas de réponse.
J’ai refait cette proposition lors d’une rencontre le 21 mars 2005 avec le directeur de Paul Guiraud. Il a écrit aux deux médecins du CMP pour leur demander d’engager ce travail familial. Au 20 juin 2005, 3 mois après, aucune réponse de leur part.
Je suis choqué de ce comportement, indigné de ce manque de respect pour les familles, du peu de cas que l’on fait de leur souffrance.
Le chef du bureau des populations spécifiques et santé mentale au Ministère de la santé, avec qui j’ai eu deux longs entretiens téléphoniques, m’a confirmé que des recommandations étaient faites par le Ministère pour que l’on ne néglige pas ce que vivent les familles et que les médecins en tiennent compte. Visiblement, ce n’est pas le cas et tout cela est à la fois triste et inquiétant.
Permettez moi maintenant de conclure en décrivant le service 12 de l’hôpital Paul Guiraud tel que je l’ai vu en 1997… Il semble qu’il n’ait pas changé comme me l’a dit le Directeur de l’hôpital qui a prévu d’engager rapidement des travaux.
- mon frère a été accueilli par un interne de service qui lui a dit d’emblée: « je vous interne » .
- il s’est retrouvé dans une chambre sale, délabrée avec une cruche d’eau et un pyjama déchiré
- on atteignait le service 12 après avoir gravi un escalier métallique extérieur genre escalier de secours que l’on voit dans les vieux films américains.
- j’ai remarqué à l’époque qu’il n’y avait pas d’issue de secours. Que ce serait il passé en cas d’incendie ou de violences ?
- au bout de l’escalier, on sonnait à une porte qui ouvrait sur une toute petite antichambre d’à peine 8m2, sans accueil pour les familles, avec personne pour les recevoir
- on attendait dans cette antichambre crasseuse et enfumée, sans aération, où allaient et venaient des malades parfois agressifs à l’égard des visiteurs
- on était assis dans des fauteuils défoncés
- pas la moindre décoration murale
- pas la moindre information pour les malades et les familles
- aucun espace d’intimité pour que les familles et leurs malades puissent s’isoler sauf aller dans la cour de l’hôpital. « allez donc dans la cour » nous disait on !!!
- on voyait au bout de l’antichambre (soi-disant d’accueil) une pièce très bruyante sur laquelle ouvraient les chambres des malades et qui servait à la fois de lieu de vie, de réfectoire, de salle de soins…etc… ôtant aux malades toute possibilité (même pour eux) de s’isoler, même dans leurs chambres !!!…
- on y voyait la promiscuité entre simple dépressifs avec des malades plus atteints.
- les chambres des malades étaient sans âme, sans humanité…
- les lits n’étaient même pas dignes de ceux d’une prison… draps usés… couvertures déchirées… oreillers sans taies…
- pas de table de chevet, pas de lampe de chevet mais une table et une chaise
- pas d’eau minérale mais une cruche remplie à l’eau du robinet
- ça criait souvent… ce qui empêchait les malades de se reposer dans leurs chambres et de se retrouver avec eux-mêmes
- contact humain avec le milieu médical et hospitalier réduit au plus strict minimum
- lors d’une visite, j’ai été agressé verbalement par un malade dans l’indifférence générale
Et j’arrête la liste…